L'Emploi de proskunéô
dans l'évangile de Matthieu



Par Stéphane Mérahila



Le verbe proskunéô est souvent employé dans le NT ! L'objet de notre étude sera surtout centré sur la traduction de ce verbe dans ces différents passages. Cette étude est nécessaire car ce verbe que l'on traduit souvent par : "adorer", désigne aussi une "salutation" ou un "hommage" rendu à des personnages de hautes importances. Il s'agit donc de déterminer dans quel sens ce verbe était employé afin de le traduire correctement.


Au chapitre 2,2 :  « kai hlqomen proskunhsai autw »

Dans cet épisode de l'évangile des astrologues (cf. voir traduction de la BFC) vinrent à Jérusalem après avoir vu une étoile dans le désert. S'entretenant avec le roi Hérode dans le but de trouver celui qui pour eux est le : "roi des juifs". Il est clair que ces astrologues considèrent cette naissance comme la naissance d'un roi ! Or dans les Écritures, à la naissance d'un roi on ne venait pas "l'adorer" mais "lui rendre hommage", par rapport à la position qu'il allait occuper. Cet hommage sera accompagné de présents, ce qui faisait partit de la coutume :
"Chez les Orientaux, en particulier les Perses, tomber à genoux et toucher la terre du front est une expression de profond respect." [1]
                                   
verset 8 :  « opwj kagw elqwn proskunhsw autw »

Cette phrase est attribué au roi Hérode s'adressant aux astrologues. Cependant, Hérode est tout à fait conscient qu'il ne s'agit pas d'un simple roi mais du Christ, le Messie annoncé dans toutes les Écritures anciennes. Mais Hérode ne parlera pas du Christ devant les astrologues, mais seulement avec les prêtres en chef et les scribes qui eux connaissaient très bien l'endroit où il doit naître. Après s'être renseigné Hérode s'entretiendra de nouveau avec les astrologues et les enverra chercher des renseignements sur : "l'enfant", tel est le terme qu'emploiera Hérode. Là encore il n'est pas question d'adorer un enfant ! Hérode emploie donc le même terme que les astrologues, et dans le même sens !


verset 11 :  « kai pesontej prosekunhsan »

"Et tombant, ils se prosternèrent", pour lui rendre hommage, et aussi pour saluer cet enfant promis à la royauté. Cet "hommage" va dans la continuité du développement du verset 8.
Il est à noter que beaucoup de traducteurs de confessions différentes ne s'accordent pas dans leur choix de traductions. Pourtant ils ont tous un point commun : leur croyance en la Trinité qui fait de Jésus un Dieu digne de recevoir l'adoration. Mais ces différents exemples montrent que le sujet n'est pas si simple, apparemment certains veulent "forcer" le texte (Osty), et harmoniser leurs croyances avec leur traductions sans se préoccuper du contexte ni de l'exégèse, qui rendent impossible une telle traduction ; et d'autres agissent avec plus d'honnêteté intellectuelle et heureusement car : "L'aisance dans l'expression, l'intelligence, la créativité dans l'expression, le savoir ; [sont] autant de qualités inutiles si le traducteur n'est pas intellectuellement honnête et intègre." [5] (c'est moi qui précise).
Ce qui dérange les partisans de la Trinité, est que ce texte de Mt 2:2, constitue le premier texte du NT, ou ce verbe est employé en corrélation avec Jésus. Si un comité de traduction fait le choix de traduire  par "rendre hommage" en début de texte, comment vont-ils justifier plus loin la traduction "adorer". En dernier lieu, pour répondre à Andy Bjorklund (6), le choix de traduction "rendre hommage", n'est pas propre qu'à une seule traduction.

Au chapitre 4,9 :  « ean peswn proskunhshj moi »

Dans ce contexte, Jésus est en plein coeur de la tentation orchestrée par le diable, celui qui dès le début à voulu s'approprier ce qui ne lui revenait pas "l'adoration". Dans le but de pervertir Jésus et de le rendre coupable d'un acte d'adultère spirituel, le diable lui demandera de "l'adorer". Il est donc clair que dans ce contexte précis, satan ne réclamait pas un "simple hommage" de la part de Jésus, mais bien "une adoration". Si Jésus avait céder, il aurait commis un acte d'adultère spirituel.
La traduction de ce passage devrait réunir tous les traducteurs, et ne devrait pas connaître de versions différentes. La citation du Dt 10:20, fait par Jésus pour informer le diable de son refus parle d'elle même, et là curieusement toutes les traductions sont d'accords.

verset 10 :  « kurion ton qeon sou proskunhseij »

Concernant la demande du diable, Jésus refuse en citant spontanément le texte de Dt 10:20. Même si peu d'exégètes commentent ce passage, il s'agit bien d'une déclaration de foi très importante. Jésus ne s'adresse pas à un humain, lui et cet ange rebelle faisaient partit de ceux qui se réjouissaient à la création du monde (7), ces deux personnages ce connaissent très bien. Et en citant ce passage, Jésus prend véritablement position concernant le culte du vrai Dieu Jéhovah.
La demande du diable au verset 9, constituait bien une demande "d'adoration" de la part de Jésus.

Au chapitre 8,2 :  « kai idou leproj proselqwn prosekunei autw »

Comme à chaque fois qu'une personne s'approche de Jésus pour lui demander quelque chose, il est question de cette prosternation. Là encore rien ne prouve qu'il s'agit d'une adoration. La condition du lépreux israélite était très difficile à endurer. Cette mise en quarantaine permanente afin de ne pas contaminer les autres personnes, à plutôt produit chez cet homme une attitude plus que respectueuse, qui en s'approchant d'un humain ne respectait la loi. Cette prosternation, traduit la volonté d'implorer la miséricorde de Jésus, à qui Dieu avait donner le pouvoir à Jésus de guérir les hommes.
Ces quelques exemples démontrent clairement la nécessité de réfléchir avant de traduire le verbe " proskunew ". Cela démontre aussi la faiblesse d'une traduction à équivalence formelle dans ce genre de passage.

Au chapitre 9,18
:  « idou arcwn eij elqwn prosekunei autw legwn »

Matthieu lui même ne précise pas de quel chef il s'agit. Dans l'évangile de Marc cependant la précision nous est apporté. Il s'agit d'un chef de synagogue, donc un juif connaissant bien la loi, et notamment le commandement de ne pas adorer d'autres dieux que Jéhovah. Cette prosternation n'est donc pas une adoration, car pour ce chef, Jésus avait certes un grand pouvoir mais il n'était pas Dieu.
Là encore, nombres de traducteurs s'accordent à dire que le Christ n'était pas l'objet d'une adoration mais plutôt d'un respect, sans doute grâce au soulagement que Jéhovah lui permettait d'accomplir.




[1] J.H Tayer. p 548.
[2] La Sainte Bible, L'Abbé A. Crampon. Cependant l'Abbé Crampon rajouta dans la note en bas de page : "L'adorer, lui rendre hommage en nous prosternant devant lui ; c'est le sens du verbe proskunein . NEG 1979, BFC, traduisent "adorer" dans les trois cas.
[3] La Bible d'Osty. Introductions et notes d'Emile Osty et Joseph Trinquet. Les traducteurs rajouteront dans leur note en bas de page : "La traduction "adorer" nous semble forcer le texte".
[4] La Bible de Jérusalem, Édition de référence avec notes et augmentée de clefs de lecture.
[5] D'une Langue à une autre, Jan de Waard- Eugene A. Nida, p54. Alliance biblique universelle.
[6]
Révisions trompeuses dans la Traduction du monde nouveau, article traduit du numéro de mai/juin 1994 du Free minds Journal.
[7]
Job 38,4-7.


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